Cadre théorique
Comment réussir la
requalification d’un site industriel ?
La dimension de requalification du site industriel de Meneba est un élément important en ce concerne les stratégies de design urbain. Requalifier un site implique la conservation de certains éléments originaux du site industriel qui sont transformés afin d’accueillir de nouvelles fonctions.
Les bâtiments industriels se trouvant dans le complexe Meneba ont un caractère architectural particulier et sont porteurs d’un héritage culturel, historique et économique d’importance par leur rôle dans le développement de la région. Ainsi, de nombreux bâtiments de l’ancien complexe industriel sont classés en tant que monument historique par la municipalité et nécessitent des interventions particulières afin d’être requalifiés. Les promoteurs disent reconnaître ces valeurs et souhaitent en faire « la base du réaménagement ».

Un juste balant doit être atteint entre préservation et mise en valeur de ce patrimoine et intervention et adaptation au nouveau contexte urbain et aux nouvelles fonctions. Cette réflexion doit s’effectuer dans la relation avec le bâti et avec le milieu environnant.
Relation avec le milieu
La relation avec le milieu constitue un élément important afin d’assurer le succès d’une requalification industrielle. Les promoteurs doivent prendre en compte l’insertion de leur projet dans le tissu urbain existant. Historiquement, le complexe industriel Meneba ainsi que de nombreux autres complexes industriels voisins se sont développés en relation avec la rivière Zaan qu’ils longent, indépendamment des terres agricoles avoisinantes. Alors que d’autres stratégies d’aménagement permettent d’assurer le lien entre le projet immobilier et le milieu bâti environnant, la requalification et du complexe Meneba doit se faire en conservant cette relation fondatrice entre le cadre bâti et la rivière Zaan. Ce lien fort doit être conservé malgré les nouveaux usages du site.
L'ouvrage Advances in Landscape Architecture, paru en 2013, propose douze principes clés afin de réaliser un développement durable des rives urbaines (Timur, 2013). Plusieurs portent sur le processus de développement du projet. Les principes 1 à 5 porte surtout sur la dimension spatiale du projet tandis que les principes 9 et 10 sont axés sur le temporalité.
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Assurer la qualité de l’eau et de l’environnement
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Les rives sont une partie du tissu urbain existant
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Utiliser l’eau et l’héritage historique afin de donner du caractère au développement
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Prioriser un développement mixte
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Rendre les rives accessibles au public
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Les partenariats publics-privés accélèrent le développement
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Faire des rives une priorité pour la communauté
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La participation publique est partie intégrale du développement durable
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Le développement des rives est un projet à long terme
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Le redéveloppement est un processus constant
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Utiliser le réseau international de professionnels en développement des rives
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Utiliser une approche multidisciplinaire en rassemblant des professionnels de différents champs professionnels.
Nous pouvons diviser les critères d’importance en deux catégories :
les principes 1 à 5, qui portent sur la dimension spatiale du développement et les principes 9 et 10, qui portent sur la dimension temporelle.
Relation avec le bâti
La requalification de bâtiments industriels patrimoniaux pose la question suivante :
Comment préserver les qualités architecturales du bâti existant tout en l’adaptant aux nouvelles fonctions qui lui seront imparties ? Dans un article paru dans la revue in situ, Emmanuelle Real propose une démarche architecturale spécifique à la reconversion des bâtiments.
7 principes d'une démarche de reconversion (Real, 2015) :
1. La forme dicte la fonction :
Puisque l’on travaille avec une forme préexistante, il est important de prévoir une fonction compatible avec celle-ci. C’est donc le bâti existant et ses configurations, que l’on doit bien analyser et comprendre, qui dicte l'usage qu'on pourra y faire.
2. Une bonne compréhension du bâti :
Ce principe exige, pour l’architecte ou le designer urbain, d’avoir une connaissance et une compréhension de l’histoire et de la culture dans lesquelles s’inscrivent les bâtiments reconvertis. Cela permet d’intégrer la dimension patrimoniale au projet de reconversion et de mieux le mettre en valeur.
3. Des interventions lisibles :
Reconversion ne signifie pas reconstitution : s’il y a des modifications ou des ajouts qui doivent être effectués sur le bâtiment reconverti, il est important qu’ils soient réalisés dans un style différent afin de rendre lisible les différentes strates temporelles.
4. Révélation des dispositions d’origine :
Malgré cette lisibilité, la reconversion doit permettre de mettre en valeur les dispositions d’origine. Ce qui est conservé ne doit pas être camouflé; au contraire, les interventions effectuées doivent permettre de mieux révéler les éléments originaux du bâti, notamment sa structure, ses matériaux et les détails de sa mise en œuvre.
5. Sympathie avec le bâtiment :
Un bon projet de reconversion vise l'équilibre entre conservation et intervention. Afin de préserver au maximum l’esprit du lieu, les interventions réalisées se doivent d’être minimales. La prise en compte des caractéristiques qui créent l’atmosphère et le caractère unique du lieu reconverti permettent de mettre celui-ci en valeur et de créer un nouveau lieu où l’histoire et le renouveau se rencontrent et s’améliorent l’un et l’autre.
6. Réversibilité et matérialité :
De la même façon que le projet de reconversion fait passer les bâtiments d’une fonction industrielle à des fonctions mixtes (résidentielle, commerciale, administrative, etc.), il est possible qu’une nouvelle transformation soit nécessaire dans le futur. Ainsi, les interventions réalisées dans le cadre de l’intervention actuelle ne devraient pas empêcher de futurs changements d’usages.
7. Créativité et innovation :
Une reconversion des bâtiments implique une démarche différente de celle d'une construction régulière: alors que l’architecte tend généralement à travailler à partir d’une page blanche, celui-ci est ici appelé à s’inspirer de bâtiments existants, ayant leurs propres caractéristiques physiques. Ainsi, une reconversion de bâtiments industriels appelle l’architecte à aborder le processus créatif différemment.
Transit-Oriented-Development (TOD)
Le Transit-Oriented-Development (TOD) a été développé au tournant des années 90 par Peter Calthorpe. Il s’insère dans le mouvement du nouvel urbanisme, dont les principes reposent sur des collectivités denses et à usages mixtes, avec l’objectif premier de créer un mode de vie enviable dans le quartiers. Le TOD reprend ces principes tout en opérant à une échelle élargie se préoccupant ainsi d’une planification intégrée des nouveaux développements avec le réseau de
transport en commun existant afin de cesser l’éloignement toujours plus grand entre les activités (emplois, loisirs, commerces, résidences) et de réduire les déplacements automobiles. Les dimensions sociale, économique et environnementale du développement durable combinées avec la structuration des transports en commun sont au cœur des interventions. (Carlton, 2009)
Quelques caractéristiques
1. Une planification alignée sur
le transport collectif régional
Le TOD est avant tout planifié à l’échelle de la région ou de la ville par le biais d’un schéma d’aménagement. En effet, le territoire métropolitain est relié aux TOD urbains adjacents le long d’un grand corridor de transport en commun (l’épine dorsale) qui se décline en plus petits corridors afin de desservir les TOD de voisinage. Par ailleurs, les nouveaux développements s’insèrent le long de cette épine dorsale via des limites de croissance définies (ou urban growth boundaries). En limitant ainsi les aires d’urbanisation aux abords des réseaux de transport en commun existants, l’étalement urbain est réduit à son maximum, de même que les déplacements automobiles.
2. Des milieux de vie compacts et mixtes
Les milieux de vie du TOD sont définis par un minimum de densité ainsi que par une diversité d’activités. La densité est encadrée par un gradient résidentiel: elle est plus forte au centre, là où se trouvent la gare centrale ainsi que la plupart des commerces et des services. En s’éloignant du centre, la densité diminue et le développement s’arrête à une distance de 10 minutes de marche du noyau . Ainsi, il y a une certaine logique de modularité en fonction des distances de marche et des bassins de population. La mixité, pour sa part, est à la fois verticale et horizontale. Ce cadre de vie multifonctionnel renforce les qualités urbaines et encourage les déplacements actifs.
3. L’échelle humaine comme gage de qualité urbaine
Ces milieux de vie compacts et mixtes sont d’abord pensés pour encourager les déplacements actifs et en commun. Les distances pour se rendre d’une activité à l'autre, ainsi que vers un arrêt de transport en commun ou vers des pistes de transports actifs ne nécessitent que quelques minutes à pied. La place prioritaire des piétons se traduit également par des trames de rues lisibles et perméables, qui permettent de se rendre facilement d’un point à un autre. L’automobile, quant à elle, coexiste en second plan.
4. Un aménagement durable du territoire
L’aménagement durable des territoires et quartiers est au centre des TOD. Une grande attention est portée sur le renouvellement du tissu existant, avec une certaine sensibilité pour l’histoire et les qualités inhérentes de chaque milieu. Le milieu naturel est également considéré comme un atout collectif et structurant: des corridors verts intégrés permettent de rendre des services écosystémiques précieux et de favoriser la résilience des communautés face à la crise climatique. Par ailleurs, des ceintures vertes définissent les limites du développement et participent, avec les corridors verts, à offrir un accès universel à la nature, voire à améliorer la perméabilité et les déplacements actifs par des sentiers accessibles et enchanteurs.
En résumé
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Planifier la région métropolitaine en premier lieu
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Concevoir les transports collectifs et actifs comme
moteurs d’organisation spatiale
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Améliorer la qualité de vie urbaine
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Réduire l’impact sur l’environnement
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